Lors du conseil municipal du 9 décembre 2020, nous apprenions que la majorité LR-UDI prévoyait une révision des règles concernant la publicité dans l’espace public. C’est l’occasion d’ouvrir un débat sur ces objets présents dans l’espace public : les supports publicitaires. Alors qu’actuellement la société de consommation est critiquée de toute part, la publicité ne serait-elle pas devenue anachronique au XXIème siècle ?
La publicité, promoteur de la surconsommation
L’objectif principal de la publicité est d’orienter les consommateurs vers les produits mis en avant. Elle a un impact fort sur la création de besoins et sur la consommation. Elle tente de nous influencer en dehors de nos choix conscients jusqu’au désir même de l’acte d’achat. Elle peut provoquer des phénomènes de consommation de masse qui n’auraient pas eu lieu sans stimulation publicitaire. Le rapport Big Corpo est récemment paru et nous ne pouvons que vous conseiller de le lire si le sujet vous intéresse.
La publicité est-elle compatible avec le défi du changement climatique ?
Les citoyens qui ont été tirés au sort lors de la convention citoyenne pour le climat ont réfléchi à cette question. Ils en ont conclu que la régulation de la publicité était nécessaire pour réduire les incitations à la surconsommation et proposent trois orientations :
- Interdire de manière efficace et opérante la publicité des produits les plus émetteurs de gaz à effet de serre, sur tous les supports publicitaires ;
- Réguler la publicité pour limiter fortement les incitations quotidiennes et non-choisies à la consommation ;
- Mettre en place des mentions pour inciter à moins consommer.
A Saint-Cyr en commun, nous nous inscrivons dans la droite ligne de ces propositions populaires.
Ce que nous voulons pour Saint-Cyr-l’Ecole
C’est la question majeure que l’on doit se poser, que vous devez vous poser, avant de rentrer dans les débats techniques sur la taille d’un panneau ou son intensité lumineuse. De ces questionnements, et des prises de positions qui en suivront, pourront découler les réponses techniques. Voici en quelques points les raisons pour lesquelles nous souhaitons plus d’arbres et moins de publicités (comme l’indiquait notre programme) et ainsi diminuer la pression publicitaire dans notre commune.
Lutter contre la pollution visuelle et lumineuse
Nous pensons que le Maire a été élu pour apporter aux citoyens un cadre de vie de qualité et cela passe effectivement par une lutte réelle contre la pollution visuelle et lumineuse. C’est d’ailleurs l’une des propositions que l’on peut retrouver dans le tract distribué par l’équipe de Madame le Maire en janvier 2020 durant la campagne électorale.
Selon nous, la lutte contre la pollution visuelle et lumineuse doit passer par des paysages de qualité. Cela va de pair avec une diminution drastique de la place de la publicité, et en substitution, par exemple : des aires de jeux, des œuvres d’art, des fresques, de l’information culturelle, associative ou des collectivités, ou des arbres.
Un cadre de vie agréable et apaisé, c’est un espace public dans lequel l’usager n’est pas sollicité des dizaines de fois par des publicités. Une ville agréable à vivre, le bonheur des habitants… sont des concepts difficilement quantifiables, mais bien réels. Essayons de nous en approcher ! Nous pensons que ces publicités enlaidissent nos villes.
Notre ville bénéficie d’une réputation sur la scène nationale, grâce à son lycée militaire, le château de Versailles et son magnifique parc… Baisser drastiquement la place de la publicité prolongerait encore plus cet élan. Quelle meilleure promotion qu’un territoire libéré de ce trop-plein de panneaux ?
Baisser fortement la pression publicitaire, c’est rendre nos villes plus belles, c’est offrir un meilleur cadre de vie à ses citoyens, c’est développer encore plus fortement son attractivité. Nous espérons que Madame le Maire tiendra son engagement de campagne sur ce sujet.
Développer l’économie locale
La publicité dans l’espace public, telle qu’elle existe aujourd’hui, va à l’encontre du développement économique de nos territoires. Il suffit de lever les yeux pour se rendre compte que quasiment aucun commerçant indépendant n’a fait de la publicité sur ces panneaux de 2 m2, 8 m2 et 12 m2. De manière générale, la publicité est inégalitaire : 80 % des dépenses publicitaires sont réalisées par environ 600 entreprises. Seule une minorité des 3 millions d’entreprises en France a accès à ce marché.
La publicité n’est pas utile au commerce de proximité qui a pignon sur rue en bas de nos logis. En revanche, elle a le pouvoir d’accaparer le paysage public et de détourner nos regards d’habitants et consommateurs au profit d’autres enseignes et d’autres produits. La publicité est donc non seulement inutile pour le commerce de proximité, mais elle lui est également nuisible. Ces panneaux ne servent en effet pas les petits commerçants locaux, mais les grandes enseignes et les grandes surfaces en périphérie. Celles-là même qui vident les centres-villes des usagers et donc de ses habitants, nécessitent des déplacements en voiture, éloignent les habitants des lieux de rencontres propices aux échanges, à la culture, au partage, à la solidarité, au vivre-ensemble…
Il s’agit pour notre collectivité d’être cohérente entre les discours sur la protection des centres-villes et du commerce de proximité d’un côté (et que nous pouvons encore retrouver dans le Saint-Cyr Mag de décembre 2020), et les décisions prises dans les domaines divers qui participent à lutter contre ce phénomène de désertification de l’autre. La réduction de la publicité dans l’espace public n’en est pas des moindres.
Un chiffre : selon Christian Jacquiau, dans son livre « Dans les coulisses de la grande distribution », un emploi gagné dans une grande surface, ce sont cinq emplois perdus dans les petits commerces.
Notre groupe politique souhaite faire de Saint-Cyr-l’Ecole un territoire dynamique qui maintienne et crée de l’emploi local. Pour cela, il est nécessaire de freiner cette concurrence déloyale et de stopper ces publicités qui ne favorisent que les grands groupes, le plus souvent en périphérie.
Diminuer la place de la publicité dans l’espace public, c’est participer à la sauvegarde de l’emploi local et à la redynamisation du cœur des villes.
Préserver notre santé des méfaits directs et indirects de la publicité
Dans sa propension à pousser les citoyens à consommer toujours plus, la publicité est indirectement à l’origine de problèmes de santé. Les publicités incitent à consommer des produits chargés de sucres, protéines, gras, sel… qui entraînent obésité, diabètes, problèmes cardiaques, etc.
Concernant les femmes principalement, la volonté de les montrer avec une image « parfaite », très minces voire maigres, en tant qu’égéries de telle ou telle marque provoque anorexie, dévalorisation, troubles physiques et psychologiques parfois graves. Et cela sans parler des messages sexistes visibles quotidiennement dans nos rues, qui véhiculent l’image de femmes-objets, juste bonnes à consommer… Les publicitaires ne changeront pas leurs axes de communication donc il revient à la collectivité d’éviter ces dérapages en coupant le problème à la racine.
Ce système publicitaire pousse les français à acheter des produits, le plus souvent, de mauvaise qualité nutritive, à rechercher un idéal inaccessible… Il est difficile de ne pas se conformer aux modèles normatifs suggérés, de ne pas se laisser tenter, c’est-à-dire, de ne pas se faire manipuler.
Cependant, nous, adultes, avons la capacité de réfléchir. Mais que dire au sujet des enfants, qui n’ont qu’une capacité relative, voire nulle, de prise de recul par rapport à ces « informations » ? La publicité brouille totalement le rapport à la réalité que l’enfant doit apprendre à construire avec ses éducateurs.
Sans accompagnement pour comprendre, décoder et appréhender ironie, second degré ou dérision, la pression publicitaire constitue une agression pour les enfants qui ne sont pas encore aptes à cette réflexion et ne peuvent en comprendre la portée, ni en relativiser les messages.
En plus du message de fond des publicités, que penser des nouveaux supports publicitaires à la mode : les écrans vidéo ? De plus en plus d’études démontrent les effets négatifs des écrans vidéo pour les enfants (et pour les adultes) : il faut interdire ces smartphones géants dans nos rues. Ils sont déjà suffisamment nombreux et dangereux dans la sphère privée, nous devrions donc nous en passer dans nos rues.
Enfin, pour reprendre la Convention des Droits de l’Enfant de 1989, dont la France est signataire : « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. » Les enfants sillonnent la ville : la décision d’autoriser l’installation de panneaux publicitaires dans nos rues, et notamment d’écrans vidéo, irait à l’encontre de l’intérêt supérieur de nos enfants. Les élus de la nation, et notamment le Maire, doivent protection à leurs administrés. Par conséquent, ils doivent diminuer cette pression publicitaire, mauvaise pour notre santé.
Tous ces panneaux dans nos rues, le long des routes, sont aussi des capteurs d’attention pour les automobilistes, les cyclistes, les motards, les chauffeurs de bus, etc. Ces panneaux représentent autant de risques d’accidents supplémentaires.L’installation d’écrans vidéo ne fera que renforcer cette insécurité routière… il n’est pas nécessaire de la provoquer.
Aux États-Unis où ces dispositifs ont été développés, une étude¹ de 2015 sur huit emplacements d’affichage numérique sur les autoroutes en Floride et en Alabama a montré des taux d’accidents significativement plus élevés, 25 % en Floride et 29 % en Alabama, sur des sites proches des panneaux d’affichage numériques.
Nous retrouvons des résultats similaires lors d’études² plus récentes (2017) qui indique que 68 % des personnes interrogées disent que les panneaux numériques les distraient plus de la route que des panneaux statiques.
Diminuer la présence de la publicité dans la commune, c’est protéger les habitants et surtout les enfants.
Encourager la sobriété énergétique (la publicité est énergivore)
La publicité, qu’elle soit dans nos smartphones, dans nos journaux ou dans nos rues, nous pousse à consommer, encore et toujours. Surconsommer c’est brûler de l’énergie, c’est consumer notre seule planète. Recevoir moins d’appels à consommer ne peut qu’être bénéfique pour le climat. Et si c’est vraiment nécessaire, les autres canaux de communication sauront bien rappeler aux citoyens d’acheter telle voiture, tel shampoing, tel burger !
Au-delà du message de fond (achetez toujours et encore, plus qu’il n’en faut), les panneaux publicitaires, sous toutes leurs formes, polluent. Les pires sont évidemment les écrans numériques : un panneau de 2 m2 consomme autant que trois ménages (hors chauffage).Les panneaux lumineux et le mobilier urbain d’information (MUI), qui sont généralement éclairés toute la nuit, consomment énormément d’énergie.
Remplacer les équipements actuels par de nouveaux MUI consommant moins d’énergie ? Un arbre fait encore mieux : il stocke le CO2.
Moins de publicité dans nos villes, c’est moins de consommation d’énergie… C’est mieux pour la planète, c’est mieux pour nos enfants et les générations futures.
Maintenir l’espace public au service des habitants et non pas au service du secteur privé
Nous souhaitons mettre ici en avant le concept de liberté de recevoir, ou non, des informations marchandes. On parle de liberté d’expression, pourquoi ne pas évoquer la liberté de réception ? Nous posons le problème ainsi : si je ne souhaite plus regarder les publicités dans mon journal, je referme ce journal ; si je ne souhaite plus regarder de publicité à la télévision, je zappe ; si je ne souhaite plus voir ces publicités envahir mon ordinateur, je surfe avec un bloqueur de pub… mais dans la rue, ce domaine public, comment procéder ? Il nous est impossible d’éteindre, de refermer ces panneaux. C’est aux élus de fixer ces limites et d’éteindre et refermer ces panneaux.
La ville nous appartient à toutes et tous, nous devons pouvoir être libre de marcher, de courir, de flâner, de respirer, de regarder… sans être obligés de voir ces informations commerciales. « Obligé de voir », c’est bien le souci : nous n’avons absolument pas le choix. Sinon comment faire… Fermer les yeux ? Plutôt compliqué ! Aujourd’hui nous n’avons plus le choix, nous sommes obligés de voir la publicité dans la rue. Ce n’est pas ainsi que nous imaginons l’espace public.
Nous souhaitons que la ville appartienne à ses habitants, non aux intérêts privés. Ces derniers ont tout loisir de nous informer via les smartphones, la télévision, les journaux…
Fortement diminuer la pression publicitaire, c’est laisser la ville respirer, c’est laisser ses habitants respirer.
Répondre à la volonté des habitants (moins de publicité dans les villes)
Tout le monde est concerné par la publicité, et presque tout le monde demande moins de publicité. Oui, certaines personnes que nous rencontrons disent ne pas être gênées par la publicité, certaines en demandent même plus. Mais combien sont-ils ? Peut-être un sur dix, maximum. Le dernier sondage national sur la question de la publicité dans l’espace public remonte à 2013 (TNS-SOFRES). Nous pouvons en extraire simplement deux chiffres : 79 % des français trouvent cette publicité envahissante, 84 % la trouvent intrusive. Des chiffres en augmentation par rapport à l’enquête précédente, datant de 2004. Ces chiffres parlent d’eux-mêmes. Le rejet massif des nouveaux écrans vidéo renforce ces constats et la nécessité de prises de positions courageuses des élus. Cela doit être pris en compte.
Diminuer fortement la pression publicitaire, c’est écouter et répondre aux attentes des Saint-Cyriens. Cela doit être pris en compte.
Que fera Madame le Maire à Saint-Cyr-l’Ecole ?
En 2021, les nouvelles règles concernant la publicité seront rédigés par les élus. Que fera Madame le Maire ? Cédera-t-elle aux sirènes de JC Decaux voulant nous imposer toujours plus de publicités ? Ou écoutera-t-elle ses administrés souhaitant une réduction drastique de la publicité ?
¹ D’après une étude américaine : Compendium of Recent Research Studies on Distraction from Commercial Electronic Variable Message Signs (CEVMS)” faite en février 2015, par Veridian Group
² SISIOPIKU V. P., « Digital billboards and traffic safety risks » (2017), Presentation to the TRB Subcommittee on Digital Billboards, 2017 TRB Annual Meeting, University of Alabama at Birmingham. ZAIDEL D., « Road Crashes During a Ban on Billboards, and After its Subsequent Repeal » (2017) , 4sight Ergonomics & Safety, Research funded by Israel’s National Road Safety Authority.