Conseil municipal #1 : des élus empêchés de s’exprimer durant les délibérations

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Le premier conseil municipal a eu lieu le lundi 25 mai 2020 au Théâtre Gérard Philipe. Les 26 élu·e·s de Saint-Cyr au cœur et les 7 élu·e·s de Saint-Cyr-l’École en commun avaient répondu présents à un ordre du jour bien plus étoffé que ce que préconisait le conseil scientifique. Retour sur cette première séance où le droit à l’expression des élu·e·s n’a pas été respecté.

Un ordre du jour qui n’a pas suivi les recommandations du conseil scientifique

Au vu de la situation sanitaire actuelle, le conseil scientifique recommandait dans son dernier avis au gouvernement « que la durée de la réunion soit limitée et donc que l’ordre du jour de la première réunion soit limité, autant que possible, à l’installation du conseil municipal ».

La majorité n’a pas jugé utile de suivre cette recommandation en ajoutant à l’ordre du jour deux délibérations qui ne sont pas liées à l’installation du conseil municipal : délégation de pouvoir du conseil municipal au maire (point 8) et indemnités du maire et des adjoints au maire (point 9). Ces délibérations auraient pu être traitées dans la séance du second conseil municipal.

Une entrave à l’expression des élu·e·s demandant la parole

« Les interventions se feront en fin de conseil municipal. Le Covid impose des conseils municipaux les plus courts possibles, donc on passe les points à l’ordre du jour et à la fin on vous donnera la parole » (Sonia Brau)

Contrairement à Montigny-Le-Bretonneux (où l’installation du conseil municipal a eu lieu le samedi 23 mai), à Saint-Cyr-l’École, toutes les prises de paroles demandées par les élu·e·s après lecture introductive des délibérations ont été refusées par Madame la maire et renvoyées à la fin de la séance. 

Nous nous sommes posés la question sur ces refus de prises de parole de Madame la maire, est-ce une généralité ? Nous pouvons dire avec certitude que c’est un excès de pouvoir, car en consultant les différentes retransmissions de conseils municipaux français trouvés sur Facebook, nous sommes les seul·e·s élu·e·s à ne pas avoir pu nous exprimer au fil des délibérations1.

Sonia Brau a justifié ces refus par la situation sanitaire actuelle qui l’obligeait, d’après elle, à limiter la durée de la séance. Nous avons relu la circulaire du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, ainsi que la notice explicative de l’ordonnance du 13 mai 2020, et il n’est nullement préconisé de refuser toute prise de parole aux élu·e·s qui en font la demande.

Ces refus de Madame la maire sont même en contradiction avec le règlement intérieur du conseil municipal :

« la parole est ensuite accordée par le Président aux membres de l’assemblée communale qui la demandent » et « Dès lors que les conseillers municipaux ayant demandé la parole se sont exprimés, le Président clôt la discussion et il est procédé au vote »

Article 11 du règlement intérieur en vigueur du conseil municipal de Saint-Cyr-l’École

Et en contradiction avec la jurisprudence :

« en cours de séance, chaque élu doit pouvoir s’exprimer au moins une fois sur chaque délibération et reprendre la parole »

CAA Versailles, 3 mars 2011, Commune de Nozay, n°09VE03950

Philosophiquement, cela entre même en contradiction avec un des piliers de la démocratie : chaque vote doit être précédé d’un débat, d’un échange d’idées et d’une écoute mutuelle pour éclairer le choix.

Ce bâillonnement nous a ainsi empêchés de donner les raisons pour lesquelles nous avions choisi de voter contre deux délibérations et démontrer que notre opposition était fondée et réfléchie.

Il est à noter que, pour une distribution d’écharpes aux adjoints ou un shooting photo des élu·e·s pour le guide de la ville en fin de conseil, le temps fût étrangement beaucoup moins limité. Nous ne pouvons que déplorer que le débat démocratique soit considéré comme moins essentiel que les célébrations ou la communication municipale.

Une maire pour qui l’abstentionnisme n’est pas un problème

« Le choix des Saint-Cyriens a été clair »

Sonia Brau, lundi 25 mai 2020

La légitimité de tous les élu·e·s, nous y-compris, est tout de même mise à mal puisque Saint-Cyr au cœur représente 20,09 % des électeurs et Saint-Cyr en commun représente seulement 16,04 %.

Malgré un taux d’abstention record (62,5 %), Sonia Brau s’est félicitée durant son discours que « le choix des Saint-Cyriens [ait] été clair ». Comment le choix des Saint-Cyriens peut-il être clair alors que presque 2 électeurs sur 3 n’ont pas exprimé leur choix ? Elle ne se pose donc pas de questions sur la crise démocratique que nous subissons depuis plusieurs dizaines d’années en ignorant allègrement les abstentionnistes, alors même qu’ils sont majoritaires.

Une clôture de séance abrupte

« Par contre vous êtes gentils, vous êtes sept, si les sept prennent la parole, je vous rappelle qu’on est limité dans le temps ! »

Sonia Brau, lundi 25 mai 2020

Alors que dans son discours, elle invitait l’opposition à l’aider à être meilleure, Madame la maire ne nous a pas laissés la possibilité d’exprimer la totalité des prises de paroles que nous avions prévues sur certains des points à l’ordre à jour, ni même à la fin du conseil municipal lors des « questions diverses ». De plus, lorsque deux de nos élues demandaient alors en même temps de pouvoir prendre la parole, elle a raillé une prétendue désorganisation de notre part. Il faut donc préciser que les élu·e·s étaient placés par ordre alphabétique, et nos conseiller·e·s municipaux se sont donc retrouvé·e·s dispersés dans les tribunes du Théâtre Gérard Philipe. Nous n’étions ainsi pas assis·e·s les un·e·s à côté des autres.

Proposition de signature de la charte de l’élu local par l’ensemble des élu·e·s

Afin de vous permettre de mieux comprendre le contexte, voici le texte que nous avions préparé et prévu de lire durant l’ordre du jour :

« Madame la maire, chers collègues,

Les élu·e·s de Saint-Cyr-l’École en commun demandent que l’ensemble des trente-trois élu·e·s de l’assemblée communale s’engagent à signer la charte de l’élu local afin de montrer qu’ils exerceront leur mandat dans le respect des principes déontologiques, et des règles de bonne administration des affaires et des finances de la commune consacrés dans la dite-charte. Nous proposons également que cette charte soit publiée sur le site internet de la mairie en indiquant qu’elle a été signée par l’ensemble des élu·e·s. Je vous remercie. »

Suite à notre prise de parole en fin de conseil municipal, Sonia Brau a vertement répondu à notre élue qui proposait donc à tout·e·s les présent·e·s de signer la charte de l’élu, arguant que l’adoption de celle-ci avait déjà été votée en séance et que cela suffisait comme validation. Sauf qu’il ne s’agissait que d’une lecture d’information d’obligation légale, et non d’une délibération donc aucune forme de vote n’a eu lieu sur l’adoption de cette charte. 

Finalement, sur les six prises de parole (dont cinq très courtes) que nous avions prévues, nous n’avons pu en exprimer que trois.

Deux délibérations importantes expédiées au vote sans débat préalable !

1. Délégation de pouvoir du conseil municipal au maire

Selon l’article L2122-22 du CGCT, « le maire peut par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat », de pouvoirs qui lui permettent de ne pas convoquer l’assemblée communale pour chaque décision. C’est un passage obligé lors de chaque nouveau mandat et il est habituel que ce point tombe à l’ordre du jour du second conseil municipal.

Les élu·e·s de Saint-Cyr-l’École en commun avaient préparé une intervention pour expliciter leur opposition à la délégation de pouvoir, mais la parole ne leur a pas été donnée par Madame la maire au sortir du résumé oral sommaire de ce projet de délibération, et pas même en fin de conseil municipal comme nous aurions pu l’espérer. Notre intervention devait porter sur deux pouvoirs spécifiques que s’est ainsi octroyée Madame Brau sans que les Saint-Cyrien·ne·s aient pu assister à un débat.

Ainsi, nous souhaitions expliquer notre opposition à la délégation n°4 ci-après : 

« Prendre toute décision concernant la préparation, la passation, l’exécution et le règlement des marchés et des accords-cadres concernant, jusqu’à 5 millions d’euros pour les travaux et jusqu’à 1 million d’euros pour les fournitures et les services ainsi que les prestations intellectuelles ».

Compte-rendu du conseil municipal du 25 mai 2020

Nous voulions indiquer que les montants fixés (5 millions et 1 million) nous paraissent trop élevés. Le seuil lié à l’investissement représente à lui seul le quart du budget d’investissement annuel de la commune ! Pour rappel, en 2008, le montant pour les marchés et accords-cadres concernant les travaux était de 206 000 € et celui pour les études préalables était de 120 000 €. Sans revenir nécessairement à ces chiffres, il aurait été bon de fixer des montants plus raisonnables. 

La seconde délégation à laquelle nous étions opposés est la délégation n°16

« D’intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle ».

Compte-rendu du conseil municipal du 25 mai 2020

Il s’agit ici d’une lourde responsabilité que d’engager seule la commune et les contribuables dans des procédures judiciaires. Cette délibération aurait dû faire l’objet d’une concertation avec l’assemblée communale. Les sept élu·e·s de Saint-Cyr-l’École en commun ont donc voté contre cette délibération qui donne des pouvoirs trop larges à Madame la maire.

Résultat : l’assemblée communale a validé à la majorité cette série de délégations de pouvoirs, ce qui montre bien que la ville continuera pour ce nouveau mandat d’être gérée de manière verticale, avec le souci d’aller toujours plus vite dans l’unilatéralité de ses décisions. 

2. Indemnités du maire et des adjoints au maire

Une deuxième délibération a été votée sans que les élu·e·s n’aient pu s’exprimer. Il s’agissait tout d’abord de voter la répartition des indemnités de fonction du maire et des adjoints à partir d’une enveloppe maximale autorisée. Puis, dans un second temps, d’appliquer plusieurs majorations possibles à ces indemnités. Ceci est permis par le fait que la commune bénéficie de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) et qu’elle est le siège du bureau centralisateur du canton. 

Sur ce sujet, Madame la maire ne s’est pas embarrassée d’explications et n’a pas cherché à vulgariser cette délibération, alors que le sujet n’était clairement pas accessible aux Saint-Cyrien·ne·s, sauf à faire partie des élu·e·s qui ont eu connaissance du dossier préparatoire avant la séance. Ainsi les montants des indemnités votées que percevront la Maire, ses adjoints et les conseillers possédant des délégations, n’ont pas été précisés et tout a été acté dans une opacité regrettable. Nous nous en doutions et c’est pourquoi nous avions préparé une prise de parole pour signifier le manque de transparence vis-à-vis des Saint-Cyrien·ne·s.

Des indemnités pour tous les conseiller·e·s municipaux ?

En plus de cela, nous avions prévu de proposer qu’à titre symbolique, une indemnité, même faible, obtenue par redistribution de l’enveloppe globale des indemnités, soit votée pour TOUS les élu·e·s municipaux, c’est-à-dire aussi ceux qui n’avaient pas de délégation parmi le groupe majoritaire et les élu·e·s minoritaires, afin d’acter leur engagement citoyen et de les soutenir financièrement pour le temps qu’ils vont consacrer à cette fonction. Comment justifier par exemple qu’en plus des 7 élu·e·s minoritaires, du côté des élu·e·s de Saint-Cyr au Cœur, 5 personnes sur 26 ne verraient pas non plus leur fonction de conseiller municipal reconnue par une indemnité ?

Au final cette discussion n’a pu avoir lieu, puisque l’assemblée a été invitée à voter sans que le moindre échange puisse être possible. Nos sept élu·e·s ont donc voté contre cette délibération.

Un bien mauvais signal pour la démocratie locale

Au final, les élu·e·s de Saint-Cyr-l’École en commun n’ont servi qu’à permettre à la majorité de faire croire à un semblant de démocratie. Notre rôle est-il de faire uniquement acte de présence pour mettre en valeur le travail de la mairie ? Le maire ne doit-elle écouter et représenter que les 2 240 Saint-Cyrien·ne·s sur les 11 167 inscrit·e·s qui ont voté pour sa liste ? Tout ceci n’augure rien de bon pour la démocratie locale pour les six années à venir !

Toutefois, nous rappelons que nous nous positionnons comme une opposition constructive. En espérant que le vœu de Mme Brau à travailler avec une telle opposition n’était pas pieux, nous nous y emploierons dans la mesure où elle s’attachera elle-même à ne pas entraver l’expression démocratique au sein du conseil municipal et dans la gestion de la ville. 

1 : Liste de conseils municipaux retransmis sur Facebook où les droits des élu·e·s minoritaires ont été respectés contrairement à Saint-Cyr-l’École :

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